la double croisée

un film de jean-charles atzeni

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entretien avec lucie bernier

Comment as-tu croisé le chemin de « la double croisée » ?
Le tout début, c’est ma rencontre avec Clémentine dans une école de théâtre. Elle est devenue une très bonne copine. Son chéri, Jeancharles, qui avait une idée de film (qui allait devenir « la double croisée »), m'a vue jouer dans le spectacle de fin d'année, et lui a dit qu'il me verrait bien pour le rôle principal. C'est seulement quelques années plus tard que je me suis retrouvée face à sa caméra. Ça s'est fait petit à petit : on s'est rencontrés, on est devenus amis, puis on a commencé les répétitions, les entraînements de rugby…

Les entraînements de rugby ?... Tu t'es entraînée en vue du rôle ?
Oui. Jeancharles m'a inscrite au Rugby Club Paris 15 (RCP 15), un an avant la date de tournage prévue. Comme le tournage a été reporté d'un an, ça fait deux ans d'entraînement !

Tu es non seulement crédible en joueuse de rugby, mais on te croirait même être la mascotte de l'équipe ! Comment as-tu réussi à t'intégrer ?
D'abord grâce aux entraînements. Jeancharles m'a en partie choisie parce qu'il savait que j'étais sportive (j'ai beaucoup joué au basket) : il s'est dit que je serais à l'aise avec un ballon dans les mains, ce qui s'est vérifié. Et puis, j'avais déjà l'esprit « sport collectif ». Je pense que les filles l'ont senti et, du coup, m'ont facilement intégrée.

Il se dégage du film une vraie spontanéité et les dialogues sont d'un grand réalisme. Comment avez-vous répété ? Ton rôle était-il très écrit ?
Oui et non. Jeancharles m'a beaucoup fait improviser en répétition, sur des sujets très éloignés du scénario. Puis, avec Samir, nous avons répété plusieurs fois les scènes importantes du film. Ça nous a aidés à nous connaître mieux, à être à l'aise : on était quand même censés être amoureux ! Mais Jeancharles n'a pas voulu trop insister en  répétitions pour garder de la spontanéité sur le tournage. Il ne voulait pas qu’on colle trop au texte, d’ailleurs il le changeait souvent et était très ouvert à ce qu’on disait, à ce qu’on faisait. Du coup, il y a pas mal de choses qu'il a écrites en fonction de ce que je peux dire dans la vie. Par exemple, quand je danse dans le bus, c'est parce que je l'ai soûlé avec ça : chaque fois qu'on faisait une fête, je demandais à ce qu'on passe du Shakira !

Donc maintenant tu sais faire des carrés avec tes seins ?
Non, il n'y a que Shakira qui sache le faire...

Une vraie bonne humeur se dégage des scènes de vie de l'équipe de rugby. Les blagues étaient-elles écrites ?
Pas toujours. C’est un mélange permanent de choses très écrites et d’autres improvisées. Certaines séquences étaient très détaillées et d’autres mentionnaient simplement : « Lucie s'amuse avec les filles ». Par exemple, la scène de l'aire d'autoroute se résumait à : « aire d'autoroute – pique-nique ». Donc, on a largement improvisé, mais dans un cadre assez précis. Jeancharles a donné des indications à tout le monde sauf à moi ! Et puis, d’un seul coup, il m'a mis une caméra entre les mains et m'a dit : « fais-les rire ! ». Avec les filles, on commençait à se connaître et elles sont déconneuses, donc c'était facile. La caméra favorise ça aussi: il faut rester sérieuse parce que ça tourne, mais on n'y arrive pas, ce qui provoque de grands éclats de rire et donne cette bonne humeur et ce naturel que Jeancharles attendait.

On a du mal à penser que Lucie Bernier soit très différente de la Lucie du film...
En effet, il y a beaucoup de traits de caractère qui me ressemblent. C'est vrai que Jeancharles s'est beaucoup inspiré de moi – c'est horrible de dire cette phrase ! (rires) Mais je pense qu'il m'a rendue dans le film beaucoup plus délurée que je ne le suis dans la vie. Je peux être comme ça, mais plutôt quand j’ai un peu bu !

As-tu des anecdotes de tournage à nous faire partager ?
Comme on avait très peu de moyens, c'était assez galère : il s'est produit pas mal d’imprévus… mais on s’adaptait et ça donnait de l'originalité au tournage. Par exemple, quand on a tourné la scène de nuit au cours de laquelle Samir se baigne dans les bassins du Trocadéro. Normalement, ils auraient dû être éclairés, mais quand on est arrivés pour tourner, il y avait eu un problème, il n’y avait plus de lumières dans les bassins ! On n’y voyait rien ! Jeancharles a alors eu l’idée d’avancer au plus près le camion de la régie, pour éclairer la scène avec les phares. Premier problème résolu. Mais au moment où Samir plonge dans le bassin, une nuée de types en roller déboule, avec de la techno à fond, encadrés par les flics ! Au final, on a dû tourner à toute vitesse, avec les rollers dans le fond et une sono de dingue ! Une autre fois, un dimanche, on devait tourner une journée entière de matches. La veille au soir, l’équipe adverse nous annonce qu’elle ne viendra pas. En plus, cette équipe-là devait venir avec ses propres maillots… Donc pas de filles et pas de maillots !... Et c'est là où l'esprit du rugby est incroyable ! Dans le dos de Jeancharles, qui était en train de tourner et qui n’était donc pas au courant de ce qui se passait, les joueuses sortaient éplucher leurs carnets d'adresses pour reconstituer une équipe pour le lendemain dès 8h. Elles ont aussi réussi à trouver un club qui nous a prêté ses maillots ! Le lendemain matin, on ne savait pas trop qui viendrait ou pas. Finalement, on a réussi à reformer une équipe très disparate, d'anciennes joueuses, de très jeunes joueuses, des filles qui venaient de disputer un match le matin et qui débarquaient l'après-midi... Au niveau du jeu, c'était pas tout à fait ça avec l'équipe reconstituée, mais ça nous a sauvés !

Quels sont tes projets ?
Maintenant je suis peintre en bâtiment !

Pourquoi, « la double croisée » t'a dégoûté du cinéma ?
Non, j'ai adoré cette expérience. Mais j’ai la trouille de passer des castings, je déteste ça ; je n'aime pas faire des photos et les comédiens me gonflent… A part Jeancharles, je n'aime pas ce milieu. Ç'a été très dur de me dire « réfléchis à autre chose ». Puis l'idée a fait son chemin et je fais ma formation de peintre. Au début, j’ai choisi ce métier parce que je trouvais ça drôle de dire « je suis peintre en bâtiment. ». Et… Je l’ai fait ! (rires) Mais, c'est évident que je préférerais gagner ma vie comme comédienne que comme peintre en bâtiment…

Tu veux ajouter quelque chose ?
Oui,  je voulais aussi remercier Clémentine. Elle a beaucoup aidé sur le tournage, dans l'ombre. Elle a été merveilleuse. Tout ça fait de ce tournage un très chouette souvenir !

Entretien recueilli par Z. Bellen